L'assistanat, "cancer de notre société" ?

L’assistanat, « cancer de notre société » ?


Lorsque l’on parle d’allocations sociales en France, il demeure encore dans de nombreux esprits que les bénéficiaires sont des profiteurs et des gens qui vivent au crochet de l’Etat, qui les assiste. Les mentalités évoluent et cette vision est bien moins présente qu’il y a quelques années, et la preuve la plus flagrante est la vision du chômage : là où, dans les années 70, un chômeur était un fainéant refusant de travailler, il est de plus en plus de nos jours une victime de l’infernal marché du travail. Mais ce changement n’est pas encore opéré dans tous les esprits, et il n’y a pas de fumée sans feu. Se pourrait-il que la société française soit effectivement une société d’assistés ?

          Une société qui semble assistée sur le plan des aides sociales

Pour se mettre dans le bain, voici les paroles prononcées par Laurent Wauquiez sur l'assistanat, qui illustre bien la pensée de nombreux Français. 


La métaphore de l’assistanat comme « cancer de notre société » est d'ailleurs signée de lui et date de 2011. On pourrait croire que cela relève d’une vision politique et sociétale marginale, ou du moins peu répandue. Et pourtant, en 2013, une enquête du JDD montre que 8 Français sur 10 trouvent qu’il y a trop d’assistanat et que les gens profitent trop des aides sociales. Et on ne peut pas les blâmer pour cela, c’est la vision la plus logique. Prenons l’exemple de l’allocation chômage : même si l’on ne va pas travailler, on touche une aide de l’Etat. Dès lors, si l’on ne prend en compte que l’aspect pécuniaire du travail, pourquoi aller faire les 3-8 chez Michelin si l’on peut rester tranquillement chez soi ?

Là où le raisonnement est également compréhensible, c’est quand on regarde la part des aides sociales dans le revenu des ménages Français depuis 1970 :  elles représentaient 20% en 1970, 30% en 2000 et 35% en 2010.
Pour ne rien arranger, La France a un des régimes les plus favorables d’Europe : les indemnités chômage représentent environ 67% du dernier salaire. De plus, il suffit de travailler 4 mois pour y avoir droit. La durée de couverture est aussi la plus élevée d’Europe avec en moyenne 2 ans pour l’hexagone contre par exemple 6 mois en Allemagne ou 8 mois en Italie. 

La pochette pour les cotisations sociales représente tout de même 23 milliards d’euros dans un Etat où l’on cherche à réduire les dépenses au maximum. Si l’on rajoute à cela un fond de xénophobie en se disant que les étrangers qui viennent en France pour profiter de ces aides généreuses comme on entend très souvent, on aboutit à une situation d’exaspération totale. Et c’est précisément ce qui gêne les Français : ils ont l’impression de travailler dur et de payer beaucoup d’impôts pour des Français ou immigrés fainéants qui en profitent.

          Une réalité qui est en réalité bien différente

Pour autant, il apparaît nécessaire d’aller à l’encontre des idées reçues et des chiffres qui occultent une part importante de la société.
Déjà, pour reprendre l’exemple du RSA, il est certes élevé face à celui d’autres pays, mais il reste tout de même largement insuffisant pour vivre, puisque la valeur socle est à 524€. Il représente presque la moitié du seuil de pauvreté, qui s’élève lui à 1008€ pour un seuil à 60% du revenu médian. Pour prendre une situation plus parlante, prenons la situation d’un couple avec deux enfants chacun. Le premier, nommé le couple Sarkosi, est au chômage et touche entre autres le RSA. Le second couple, nommé le couple Fyllon, compte un travailleur au SMIC et un chômeur. L’image parle d’elle-même.



Par contre, un ménage comportant une personne seule sans enfant peut arriver à toucher sensiblement la même chose avec le SMIC ou le RSA et avec toutes les aides disponibles, mais cela représente seulement 5% des ménages.
Concernant la fraude aux allocations, c’est-à-dire les personnes qui touchent des allocations auxquelles ils n’ont pas droit, elle représente entre 1% et 5% des personnes selon les sources. La fraude totale s’élève aux alentours de 350 millions d’euros, là où, à simple titre comparatif, la fraude aux cotisations salariales s’élève à 25 milliards d’euros.

Mais le fait le plus marquant est peut-être le nombre de personnes renonçant à leurs droits alors qu’ils y ont droit : ils représentent entre 50% et 70% selon les aides. Plusieurs raisons à cela : la première est le manque d’informations. En effet, certaines personnes ne savent tout simplement pas qu’elles ont le droit à certaines aides. Vient ensuite le refus de la stigmatisation : ces aides sont principalement réservées aux personnes les plus démunies, et demander ces aides revient à accepter et affirmer à la société que l’on est pauvre, ce qui est peu valorisant. Il faut aussi mentionner la difficulté à se sortir indemne du calvaire de l’administration française… On aboutit à un total des allocations non demandées dépassant les 10 milliards d’euros.

Il faut donc dépasser les idées reçues concernant les aides sociales. Mais ces aides ne sont pas le seul assistanat concernant la société française.

          Une mentalité assistée ?

Tout d’abord, ce genre de réflexions d’exaspération est en partie dû à une spécificité de la mentalité française, qui est de jalouser celui qui a plus que soi et de le critiquer, invoquant l’injustice et l’équité à tout va. Mais plus généralement, c’est la mentalité française que l’on peut qualifier d’assistée. En effet, imaginez un instant qu’une catastrophe naturelle et que tout système d’électricité, d’eau courante, d’égouts, de routes, soit détruit. Evidemment, tous les Hommes ne mourraient pas, mais il y aurait certainement des pertes importantes dues au manque d’adaptation. L’Homme, au fil des siècles et des évolutions technologiques, a appris à s’accommoder à ces derniers et à ne plus pouvoir s’en passer, et ce dans la majorité des cultures, mais plus encore dans la culture occidentale. En ce sens, elle est devenue assistée du système plus ou moins institutionnalisé par l’Etat. Elle ne lutte plus pour sa survie, ce qui l’obligeait à se débrouiller et à innover en permanence pour survivre. Mais on ne peut pas la blâmer pour cela : qui échangerait sa situation actuelle contre une situation préhistorique ?

Cette mentalité d’assisté concerne plus particulièrement une certaine tranche d’âge de la population : les enfants et les jeunes. Bien sûr, il y a ici encore de nombreuses exceptions, dont beaucoup d’entre vous se revendiqueront peut-être (et à juste titre) ! Mais de manière générale, il faut reconnaître à la jeunesse française actuelle une mentalité débrouillarde moins prononcée qu’il y a quelques décennies. Ceci est en partie dû, à mon sens, a une société de l’instantanéité, de l’opulence et de manière plus profonde, de la standardisation. L’instantanéité d’abord, parce que ces jeunes ont toujours connu internet et les nouvelles technologies. L’opulence, car cette génération, même si elle a grandi avec les crises, connaît une abondance matérielle jamais vue auparavant. En combinant ces deux éléments, on obtient une catégorie qui, en moyenne, a presque tout ce qu’elle désire et de manière quasi instantanée. Elle a perdu le goût de l’effort et du travail pour arriver à ses fins. Si l’on rajoute la standardisation, cette catégorie devient une jeunesse se conformant aux normes, incitées à rester dans leur case et à suivre les tendances, à se plaire dans sa zone de confort, certes désireuse de se différencier mais désireuse plus encore d’appartenir au groupe.

Ce phénomène est encore accentué par une évolution des rapports parents-enfants puisque depuis quelques années, on assiste à un renversement de la hiérarchie parentale : de plus en plus d’enfants dictent leurs règles à leurs parents. Ces derniers, voulant absolument rendre leurs enfants heureux, se laissent dépasser. Encore un endroit où les enfants et les jeunes n’ont aucune difficulté à obtenir ce qu’ils veulent ! Mais il faut nuancer cette observation. En effet, depuis quelques années, on assiste à une évolution des mœurs des jeunes. Certes, ils restent un groupe de l’instantanéité, et le deviennent de plus en plus, mais l’opulence et la standardisation dans une moindre mesure semblent se réduire, notamment avec la crise et l’évolution des mœurs. La rudesse extrême de l’actuel marché du travail est également intégrée beaucoup plus tôt par les jeunes, qui intègrent donc très tôt qu’ils doivent se battre pour gagner leur place.

          Conclusion

On pourrait donc croire que la société française est assistée sur le plan des aides sociales, et que l’on paye des fainéants ne voulant pas travailler. Cette opinion est largement répandue, et les chiffres laissant penser cela sont réels. Cependant, si l’on creuse un peu plus, on se rend compte que cette opinion est fausse, ou au moins disproportionnée : les profiteurs sont bien présents et le seront toujours, mais ils ne représentent qu’au maximum 5% des ayant droits. Mais ce ne sont que des chiffres, et on ne pourra jamais réellement connaître les motivations de chacun. Cependant, une partie plus ou moins importante de la population française présente des traits d’assistanat dans la mentalité, notamment les jeunes, même s’il faut nuancer.

Mais pour prolonger la réflexion, il apparaît aussi intéressant de se demander si la notion d’assistanat est inhérente à l’être humain ou seulement à la société capitaliste ou occidentale.
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